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François de Jaucourt
10 février 2005

Pourquoi un député démissionne ?

 

 

Ses explications pour les citoyens au bon soin du maire de Tournan

 

 

Le mardi 29 mai 1792 une altercation oppose François de Jaucourt au député d’extrême gauche François Chabot à l’Assemblée Nationale.

Le Moniteur relate l’incident de la manière suivante :

« Chabot : Quoique M. Jaucourt vienne de me menacer de cent coups de bâton, je n’en continuerai pas moins mon opinion, car ni ses bâtons, ni ses épées ne m’effraieront jamais.

Xxx : Si M. Jaucourt a tenu les propos dont l’orateur se plaint, je demande qu’il soit envoyé avec ses deux collègues à l’Abbaye.

Jaucourt : J’ai honte de parler devant l’Assemblée Nationale d’une conversation fort ridicule, tenue confidentiellement avec M. Chabot. J’ai trop de respect pour croire qu’elle regarde comme une insulte faite à un représentant à la Nation le propos que j’ai tenu avec M. Chabot. Lorsque je lui parlais à l’oreille, je ne parlais pas à un représentant de la Nation mais à un homme comme moi.

Je ne prétends pas faire une apologie ni panégyrique de ma conduite ; mais je dois observer que M. Chabot m'ayant dit deux ou trois mots assez équivoques, je lui ai répondu que je croyais bien qu'il n'avait rien à dire contre moi au comité de surveillance ; il m'a dit que je pouvais bien me tromper, et là-dessus je lui ai répondu que..... » (On murmure.)<?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" />

Reboul. : Je demande que l'ordre du jour termine enfin cette scène scandaleuse, que M. Chabot aurait bien pu nous épargner.

 Chabot. : J'aurais bien pu vous épargner cette scène ; mais en vérité j'ai cru qu'il était bien lâche de la part d'un colonel de proposer des coups de canne à un capucin. »

 

Jaucourt démissionne de l’Assemblée Nationale le 31 juillet, il y est remplacé le 7 août et arrêté puis incarcéré le 10 août 1792 à l’Abbaye.

 

Le 15 août il adresse une longue lettre au maire de La Madeleine lez Tournan , M. Arnoult, dans laquelle il exprime sa confiance dans le pouvoir exercé par le peuple souverain, il justifie sa demande de démission et réaffirme son attachement à la devise Liberté, Egalité, Fraternité.

Franc-maçon, François de Jaucourt a été membre de la Loge Saint Jean d’Ecosse du Contrat social de 1779 à 1789.(  En 1805 après l’unification du Grand Orient et de la Grande Loge Ecossaise, il est Grand Secrétaire auprès du Grand Maître Joseph Bonaparte . )

 

. « Monsieur le Maire,

il m’importerait sans doute que tous les Français rendissent justice à la pureté de ma conduite et de mes intentions comme député. Mais rendu à la solitude et à la vie  privée d’un simple citoyen, c’est dans le lieu où je dois passer le reste de ma vie, c’est parmi mes concitoyens, mes plus proches voisins qu’il m’est important que mes actions et mes actions même soient mises au grand jour. J’avais écrit dans quelques pages, mes opinions et les motifs de ma conduite dans l’Assemblée Nationale. J’ai supprimé cet écrit : je ne veux rien qui marque l’opposition dans un moment où il importe de rallier tous les esprits. Une Convention Nationale s’approche, devenue la Souveraineté suprême du peuple il n’y aura plus de systèmes, plus de doute, plus d’ambiguïté. Ce n’est pas seulement la Constitution jurée, c’est la Constitution qu’il croira la plus utile à son bonheur que le peuple va choisir ; devant cette masse importante de volonté toutes les volontés particulières se tairont.

Ce qu’il faut que l’on sache, ce que je me hâte de vous dire c’est que je ne pouvais pas faire adopter mes idées dans l’Assemblée et voyant qu’en employant toutes mes forces à défendre la Constitution, j’étais devenu un sujet d’inquiétude pour quelques uns, que j’étais suspect au plus grand nombre, et que mon patriotisme était révoqué en doute ; ne pouvant pas changer mes opinions ni voter contre ma conscience, brûlant du désir d’être utile mais ne pouvant plus l’être : j’ai fait le seul acte de dévouement qui me fut encore possible. Ne voyant pas comme la majorité, j’ai voulu du moins n’être pas un obstacle à sa volonté et aux moyens qu’elle pouvait prendre pour sauver la chose publique : j’ai envoyé ma démission. Elle a été acceptée, de cet instant j’ai passé ma vie seul ne me mêlant plus des affaires, attendant le moment où je saurai si l’on m’emploierait dans l’armée ou s’il fallait renoncer à la liberté de vivre au milieu de vous… Les grands événements du dix sont arrivés et les recherches les plus exactes prouvent assez quand mille témoins ne l’assureraient pas que je n’y ai pris aucune part.

Ma santé devenue mauvaise par une vie tout à fait contraire à mon tempérament me fait désirer la campagne et la tranquillité ; si l’agitation de Paris laisse bientôt à chacun l’usage de la Liberté et surtout si mes concitoyens revenus de fausses préventions que l’on a cherché à répandre me voyant revenir avec bienveillance, je serais heureux d’aller me réunir à eux.

Voilà Monsieur le Maire ce que je vous prie de bien vouloir faire connaître aux habitants de Tournan. Je ne veux pas occuper de moi. Je ne prononce pas stérilement les mots Liberté, Egalité ils sont dans mon cœur. Et je serais heureux revenu à Combreux sans parler de moi, sans écrire, si une malheureuse publicité ne m’avait en quelque façon forcé à cette démarche.

Pardonnez moi l’importunité qu’elle vous cause et croyez je vous prie aux sentiment de fraternité et de reconnaissance de votre concitoyen.

 

Signé Jaucourt « 

 

 

Le 1er septembre le Procureur Manuel écrit le billet qui lui permettra de sortir de prison et d’échapper aux massacres de septembre :

« Le concierge de l’abaye (sic) laissera sortir le citoyen Jaucourt avec le citoyen Bonneville pour assister à la levée de ses scellés ».

Les  lettresde Germaine adressées à Louis de Narbonne en témoignent.

Le 26 août elle lui écrit : « Mais ce pauvre François, combien Mme de la Châtre doit être agitée ! Elle voudra revenir. Tachez de l’en empêcher, car nous espérons qu’en conséquence d’une loi qui laisse les députés inviolables un mois après leur démission, il sera entendu et relâché. »

Jaucourt avait demandé par lettre à l’Assemblée son élargissement sur ce motif, il essuya un refus le 26 août et son arrestation fut maintenue.

Le 1er septembre : « J’ai de vos nouvelles. Jaucourt est délivré. J’ai mes passeports. Tout irait bien si vous n’aviez pas l’atrocité de me dire que vous reviendriez si je restais… »

Le 3 septembre, elle écrit cette fois à Mme de la Châtre qui se trouve à Kensigton Square à Londres :

«  Tout ce qui intéresse mon aimable amie est depuis deux jours en parfaite sûreté. Que cette pensée lui fasse supporter les nouvelles qu’elle apprendra. Je compte partir dans deux heures »

Libéré, François de Jaucourt  sollicite du Ministère de la Guerre l’autorisation d’aller soigner sa santé aux eaux.

Le 4 septembre il effectue une offrande patriotique à la section du Théatre Français : six cents livres et deux chevaux bai et alezan.

 

Le 15 septembre, Jaucourt, Mathieu de Montmorency et Talleyrand sont à Londres chez Mme de la Châtre.avec  son ami Louis de Narbonne.

Le 19 septembre elle lui écrit « Je n’écris pas à Mad. De la Châtre parce que vous êtes auprès d’elle et que je ne suis pas avec François de Jaucourt, mais sait-elle par vous combien je l’aime et à quel point il me sera doux de me réunir à elle ? »

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